La responsabilité du locataire en l'absence d'état des lieux de sortie 

Une jurisprudence récente

Un arrêt récent de la Cour de cassation, rendu le 7 septembre 2023 (Cour de cassation, 3e chambre civile, 7 septembre 2023, n° 22-17.135), apporte un éclairage important sur la responsabilité du locataire en matière de dégradations locatives, notamment lorsqu'il ne participe pas à l'état des lieux de sortie.

Contexte juridique : Selon l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, un état des lieux doit être établi contradictoirement et amiablement par les parties lors de la remise et de la restitution des clés, ou par un tiers mandaté par elles. Cependant, la jurisprudence a dû se prononcer sur les situations où le locataire ne se présente pas à l'état des lieux de sortie.

Les faits de l'espèce : Dans cette affaire, un locataire contestait sa condamnation à payer des dommages et intérêts pour des dégradations constatées dans le logement qu'il avait occupé. Il arguait que l'état des lieux de sortie avait été dressé unilatéralement par le propriétaire et que les photographies produites n'étaient pas pertinentes.

La décision de la Cour de cassation : La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du locataire, confirmant ainsi la décision de la cour d'appel. Elle a rappelé plusieurs principes importants :

  1. Le pouvoir d'appréciation du juge : La Cour souligne que c'est au juge du fond d'apprécier souverainement les éléments de preuve qui lui sont soumis pour établir l'état du logement et les éventuelles dégradations.
  2. La valeur probante de l'état des lieux unilatéral : Bien que l'état des lieux ait été établi unilatéralement par le bailleur, la Cour considère qu'il peut constituer un élément de preuve valable, à condition que le juge estime qu'il est suffisamment probant.
  3. La charge de la preuve : La Cour rappelle implicitement que si le locataire conteste les dégradations qui lui sont imputées, il lui appartient d'apporter la preuve contraire.

Implications juridiques : Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure, notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 2016 (n° 15-25.405), qui avait déjà admis la possibilité pour le juge de se fonder sur un état des lieux de sortie établi par le seul bailleur. Elle rappelle également l'importance de l'article 1731 du Code civil, qui dispose que "s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire".

Conséquences pratiques pour les bailleurs et les locataires : 

Pour les bailleurs :

  • Il est toujours préférable d'établir un état des lieux contradictoire, mais en cas d'impossibilité, un état des lieux unilatéral peut avoir une valeur probante.
  • Il est recommandé de documenter précisément l'état du logement (photos, constat d'huissier) pour renforcer la valeur probante de l'état des lieux.

Pour les locataires :

  • La participation à l'état des lieux de sortie est cruciale pour protéger ses intérêts.
  • En cas de contestation des dégradations imputées, le locataire doit être en mesure d'apporter des preuves contraires.

Cette jurisprudence renforce la position des bailleurs dans les situations où le locataire ne coopère pas lors de l'état des lieux de sortie. Elle souligne l'importance pour les locataires de participer activement à cette procédure pour protéger leurs droits. Néanmoins, elle rappelle aussi le rôle central du juge dans l'appréciation des preuves, garantissant ainsi un équilibre entre les droits des bailleurs et ceux des locataires.

Pour les propriétaires bailleurs, cette décision souligne l'importance d'une gestion locative rigoureuse. Faire appel à un professionnel de la gestion locative peut s'avérer judicieux pour s'assurer du respect des procédures et de la protection de ses intérêts en cas de litige.

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